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  • Writer's pictureGabrielle Babineau

Et si le bonheur était un bouclier contre l’anxiété malsaine?



Rédactrice invitée

Manon Porelle est psychologue,

conférencière et fondatrice

Karine Drouin vient de lancer son deuxième livre intitulé Raccourcis vers le bonheur. En préparation pour son lancement, elle posa, sur sa page Facebook, la question suivante: Qu’est-ce qui gruge votre bonheur ? La peur, l’anxiété, les pensées, ne pas être dans le moment présent. Voilà ce que plus de 135 personnes répondirent en moins de quelques heures.

Ces réponses captèrent mon attention. Pour moi, celles-ci convergent toutes dans une même direction : angoisse et anxiété. Comme adulte, si nous pouvons facilement identifier nos grugeurs de bonheur, nous pouvons alors imaginer aussi aisément à quel point l’anxiété et l’angoisse peuvent brimer le bonheur de nos enfants. Pas étonnant que l’anxiété non traitée pendant l’enfance est l’un des plus grands prédicteurs de dépression à l’âge adulte. Est-ce conclure que bonheur et anxiété ne peuvent pas cohabiter dans notre cerveau ?

Pourquoi l’anxiété est-elle considérée comme un grugeur de bonheur par tant de personnes ? Avant de répondre à cette question, il faut regarder d’où vient le bonheur. Sonja Lyubomirsky, une chercheure pour qui la majorité des recherches sont consacrées au bonheur, explique que le bonheur résulte de diverses sources dont l’hérédité et les circonstances de vie. Toutefois, une grande partie de notre bonheur dépend de nos activités intentionnelles, c’est-à-dire, de nos actions et de notre style de pensée.

Les pensées ont un énorme rôle à jouer dans l’apparition de l’anxiété chez l’être humain. En fait, les émotions ne sont pas créées par les évènements qui lui arrivent. Elles sont plutôt liées aux pensées qu’il génère par rapport à ces évènements. Alors que beaucoup de gens pensent que les évènements de vie leur font vivre des émotions, ce sont plutôt les interprétations qu’ils en font qui produisent les émotions. Les études de Lyubomirsky démontrent que les évènements de vie ont très peu d’impact sur le niveau de bonheur de la personne. Pour ces raisons, deux personnes traversant la même situation peuvent vivre des émotions bien différentes.

Prenons l’exemple d’un voyage en avion. Pour moi, prendre l’avion signifie partir à l’aventure, aller retrouver ma meilleure amie dans l’Outaouais ou encore vivre des moments magiques avec ma famille. Rares sont les fois où j’ai pris l’avion et que je ne ressentais pas un sentiment de joie. Pour d’autres personnes, c’est tout autre chose. Pour celles-ci, prendre l’avion signifie surtout ne pas avoir le contrôle, après tout, ils ne sont pas pilotes! Viendront probablement aussi les malaises physiques ou l’anticipation d’une catastrophe. Bref, le fait de prendre l’avion n’a rien à voir avec notre façon respective de nous sentir. Ce sont nos pensées quant au fait de prendre l’avion qui sont responsables de nos sentiments, et non le fait d’être assis dans un avion.

Les pensées et les actions que nous choisissons dans les diverses situations que nous devons affronter vont dicter si notre bonheur ou notre anxiété sera nourri. Si nous voulons que notre enfant soit capable de comprendre le rôle de ses pensées et de ses actions sur ses émotions et, conséquemment, qu’il apprenne à gérer ses pensées et choisir des comportements qui lui permettront de vivre une vie où le bonheur est au rendez-vous, voici certaines stratégies à mettre en pratique.

Reconnaissez et enseignez le rôle des pensées

Par l’exemple de l’avion, je viens d’illustrer que la situation ou l’évènement vécu a très peu à voir avec l’émotion ressentie, mais que c’est plutôt la pensée par rapport à la situation qui guide notre ressentie. Cela dit, il importe d’expliquer cela aux enfants. Pour ce faire, soyez des modèles. Lorsque vous vivez un évènement qui suscite une forte réaction émotionnelle, verbalisez vos pensées. Par exemple, au lieu de dire « Je suis super contente que parrain et marraine arrivent en visite », dites plutôt, « Quand je pense à toutes les belles activités que nous allons faire cette semaine pendant la visite de parrain et marraine, j’ai très hâte à leur arrivée ». Si votre enfant dit : « Je suis nerveux pour mon rendez-vous au dentiste », demandez-lui comment il pense que cela va se passer. Écoutez les prédictions possiblement catastrophiques qu’il fait de la situation. Vous pourrez ainsi l’aider à normaliser la situation ou l’amener à penser de façon plus réaliste. S’il dit : « Ça va faire mal », vous pourriez répondre : « C’est vrai que parfois c’est inconfortable. La dernière fois, tu avais trouvé cela douloureux, mais rappelle-toi que ce n’était que pour quelques instants ».

Arrêtez de semer l’idée que votre enfant devrait être mal à l’aise

Es-tu correct ? As-tu faim ? As-tu trop chaud ? As-tu de la peine ? Souvent quand nous nous sentons inconfortable ou que nous sommes anxieux, nous avons tendance à projeter nos inquiétudes sur nos enfants pour tenter d’éviter qu’ils vivent, eux aussi, cet état d’inconfort. Nous oublions toutefois que l’enfant est fort possiblement confortable, si non, il chercherait lui-même le réconfort auprès de nous, ses parents. Honnêtement, la plupart des enfants que je connais ne sont pas très timides lorsque vient le temps de faire de telles demandes à leurs parents.

Si votre enfant ne demande pas de se faire rassurer, soyez conscient que votre propre anxiété influence votre choix de comportements et que le questionnement incessant que vous faites subir à votre enfant risque d’avoir l’effet contraire. Plutôt que le rassurer, vos questions risquent d’éveiller une certaine nervosité en lui ou de nourrir l’idée qu’il ne devrait pas se sentir bien.

Soyez des modèles

Évidemment, le bonheur se cultive. Chaque personne est capable de développer davantage son sentiment de bonheur. Tel que mentionné dans son étude sur le bonheur, Sonja Lyubomirsky conclut que tout être humain peut augmenter son propre niveau de bonheur de 40 à 50 % en pratiquant certaines activités intentionnelles. Cette étude permit d’identifier que l’hérédité vaut pour environ la moitié de notre niveau de bonheur alors que les circonstances de vie, tant les positives comme gagner la loterie que les tragédies comme rester paralysé suite à un accident, n’ont qu’une très petite influence sur le bonheur à long terme de l’individu. Des activités intentionnelles à pratiquer pour cultiver son bonheur incluent l’activité physique, la méditation, le bénévolat et les activités de gratitude quotidienne.

Aidez votre enfant à développer son optimisme

L’optimisme étant la pierre angulaire de la résilience et d’une bonne santé mentale, il est primordial d’aider votre enfant à le développer. Une attitude optimiste est essentielle pour vivre une vie de bonheur. Afin de connaitre les meilleures stratégies pour développer l’optimisme chez votre enfant, voire chez vous-même, veuillez lire l’article précédemment publié sur ce blogue intitulé Six stratégies parentales pour immuniser votre enfant contre la dépression.

Faites de l’activité physique en famille

L’activité physique libère des endorphines dans le cerveau. Les endorphines sont des neurotransmetteurs qui contribuent au bonheur. Sortez dehors et pratiquez un sport en famille, allez faire une randonnée pédestre ou à bicyclette. Le temps de qualité en famille, l’activité physique et le simple fait d’être dehors et dans la nature sont des stratégies efficaces pour réduire l’anxiété et ainsi contribuer au bonheur de tous les membres de la famille.

Assurez une bonne hygiène de sommeil à votre enfant

Quiconque a passé des nuits blanches comprend la relation entre le manque de sommeil et l’augmentation de l’anxiété. Assurer une bonne hygiène de sommeil à votre enfant est, d’après moi, une des responsabilités parentales les plus importantes. Ne pas lui offrir les conditions propices à une bonne nuit de sommeil, mais lui demander d’être de bonne humeur et disposé à faire face aux stress quotidiens n’est pas plus raisonnable que lui demander d’être attentif en classe lorsqu’il a le ventre vide. Afin d’encourager une bonne nuit de sommeil pour votre enfant, assurez-vous de ranger les écrans au moins une heure avant d’aller au lit, y compris éteindre la télévision. Encouragez votre enfant de participer à une activité calme avant de se coucher. Permettez-lui de s’exprimer sur les choses qu’il a vécues au courant de sa journée afin de mettre les chances de son côté pour une belle nuit de sommeil réparateur.

En conclusion, en enseignant à nos enfants l’importance de leurs pensées sur leur état d’être et le contrôle qu’ils exercent sur leurs pensées, en respectant leurs besoins physiologiques et en mettant en place les conditions nécessaires pour que ces besoins soient comblés et en étant des modèles, nos enfants seront bien encadrés pour nourrir et faire grandir leur sentiment de bonheur ! Quoique plusieurs personnes identifient l’anxiété comme un voleur de bonheur, j’oserais dire que le contraire est aussi vrai, le bonheur est un bouclier qui peut nous protéger de l’anxiété excessive. Il importe donc d’investir dans la construction de notre propre bonheur et de celui de nos enfants.

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